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Aidons-nous naturellement,
La charge des malheurs en sera plus lègére ;
Le bien que l'on fait à son frère
Pour le mal que l'on souffre est un soulagement.
Confucius l'a dit ; suivons tous sa doctrine :
Pour la persuader aux peuples de Chine, il leur contait le trait suivant.
Dans une ville de l'Asie
il existait deux malheureux,
L'un perclus, l'autre aveugle, et pauvres tous les deux.
Ils demandaient au ciel de terminer leur vie ;Mais leur cris étaient superflus,
Ils ne pouvaient mourir. Notre paralytique,
Couché sur un grabat dans la place publique,
Souffrait sans être plaint ; il en souffrait bien plus.
L'aveugle à qui pouvait nuire,
Etait sans guide, sans soutien,
Sans avoir même un pauvre chien
Pour l'aimer et pour le conduire.
Un certain jour il arriva
Que l'aveugle, à tâtons, au détour d'une rue,
Près du malade se trouva ;
Il entendit ses cris ; son âme en fut émue.
Il n'est tels que les malheureux
Pour se plaindre les uns les autres.
" J'ai mes maux, lui dit-il, et vous avez les vôtres,
Unissons-les, mon frère ; ils seront moins affreux."
"Hélas ! dit le perclus, vous ignorez mon frère,
Que je ne puis faire un seul pas,
A quoi nous servirait d'unir notre misère ?"
" A quoi ? répond l'aveugle ; écoutez, à nous deux
Nous possédons le bien à chacun nécessaire ;
J'ai des jambes et vous des yeux :
Moi, je vais vous porter ; vous, vous serez mon guide,
Vos yeux dirigerons mes pas assurés :
Mes jambes à leur tour, iront où vous voudrez.
Ainsi, sans que jamais notre amitié décide
Qui de nous deux remplit le plus utile emploi,
Je marcherai pour vous, vous y verrez pour moi."
Jean-Pierre Claris de Florian
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Deux ancolies se balançaient sur la colline.
Et l'ancolie disait à sa soeur l'ancolie :
Je tremble devant toi et demeure confuse.
Et l'autre répondait : si dans la roche qu'use l'eau
goutte à goutte, si je me mire, je vois
que je tremble, et je suis confuse comme toi.
Le vent de plus en plus les berçait toutes deux,
les emplissait d'amour et mêlait leurs coeurs bleus.
Francis Jammes
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La Paix
Le noir démon des combats
Va quitter cette contrée
Nous reverrons ici-bas
Régner la déesse Astrée
O Paix! source de tout bien
Viens enrichir cette terre
Et fais qu'il ne reste rien
Des images de la guerre.
Chasse des soldats gloutons
La troupe fière et hagarde
Qui mange tous nos moutons
Et bat celui qui les garde.
Délivre ce beau séjour
De leur brutale furie
Et ne permet qu'à l'amour
D'entrer dans la bergerie.
Fais qu'avecque le berger
On puisse voir la bergère
Qui coure d'un pas léger
Qui danse sur la fougère
Et qui du berger tremblant
Voyant le peu de courage
S'endorme, ou fasse semblant
De s'endormir à l'ombrage
Accorde à nos longs désirs
De plus douces destinées
Ramène nous les plaisirs
Absents depuis tant d'années.
Etouffe tous ces travaux
Et leurs semences mortelles
Que les plus grands de nos maux
Soient les rigueurs de nos belles
Et que nous passions les jours
Etendus sur l'herbe tendre
Prêts à conter nos amour
A qui voudra les entendre.Jean de la Fontaine
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